Hommage à Étienne PLISSART, doyen des agents parachutistes belges 1940-1945, établi par Madame Marie Marchand

 Étienne PLISSART (EP) est né à Etterbeek le 2 juin 1914. Il est issu d’une famille de tradition catholique et est profondément croyant, ce qui influencera ses choix de vie. Il fait des études de Droit à l’Université catholique de Louvain, puis un stage au Barreau au terme duquel il devient avocat. Lorsque les Allemands envahissent la Belgique le 10 mai 1940, il a 25 ans et est sous-lieutenant de réserve au Régiment des Guides. Il participe à la Campagne des Dix-huit Jours avec son Régiment. Suite à une erreur, il est déclaré officiellement comme « mort au champ d’honneur le 26 mai 1940 ». Heureusement, il n’en est rien !

Le 30 juin 1942, il s’évade de Belgique pour rejoindre l’Angleterre et poursuivre la lutte contre l’occupant au côté des Alliés. Il y parviendra le 4 juin 1943, au terme d’un périple mouvementé de 6.000 kilomètres, qu’il relate dans son livre « Souvenirs de Guerre ». De 1942 à 1944, il portera différents noms de guerre : Georges WAMBERGHE, Michel LARROQUE, Yvonne, Mr PERICHON et Jean-Pierre PETIT.

Après avoir parcouru la France occupée et franchi la ligne de démarcation au sud-est de Bordeaux, il séjourne quelques semaines dans la région de Montauban avant de franchir les Pyrénées à l’est d’Andorre, avec l’aide d’un passeur espagnol. Il est notamment accompagné de deux compatriotes, Michel TAYMANS et Gaston de GERLACHE. De Barcelone, ils se dirigent en train vers la frontière portugaise, mais sont arrêtés en route par la police espagnole, la « Guardia civil ». EP se présente comme un Canadien du Québec, pays membre du Commonwealth. Il est donc assimilé par les Espagnols aux prisonniers britanniques et sa nouvelle fausse identité est confirmée par le Consulat britannique à Madrid, selon un accord passé avec le Gouvernement belge en exil à Londres.

Ils sont internés au camp pour prisonniers de Miranda-de-Ebro, près de Burgos, camp tenu par les franquistes, qui bien que l’Espagne soit neutre, sympathisent avec les Nazis. Cependant, « Miranda me laisse un bon souvenir malgré les contraintes de la captivité » nous dit EP dans son livre. Il y rencontre notamment Freddy VERHAEGEN, qui renforcera encore ses motivations à faire de la Résistance et à accepter de revenir en Belgique occupée. EP restera presque 6 mois à Miranda, de décembre 1942 au 22 mai 1943, avant d’être libéré grâce au Consulat britannique et transféré à Gibraltar, d’où il s’embarque pour l’Ecosse. Le 4 juin 1943, il arrive à Greenock, à l’ouest de Glasgow. Après un passage obligé d’une semaine à la Patriotic School de Londres, il débute son entraînement comme militaire appartenant à la Force Terrestre belge.

Mais en janvier 1944, de sa propre initiative, il demande à la Sûreté de l’Etat belge à Londres, de pouvoir suivre un entraînement spécial pour accomplir une mission secrète en Belgique occupée. Il suit alors un entraînement approprié de 6 semaines en Ecosse, dans une école du Special Operations Executive (SOE), service crée par Churchill en juillet 1940 pour mettre l’Europe à feu (« set Europe ablaze »), c’est-à-dire coordonner et soutenir les opérations de résistance contre les forces de l’Axe dans tous les pays en guerre.

EP poursuit son entraînement à Ringway, près de Manchester, pour une initiation au saut en parachute. Une foulure de la cheville lors d’un saut le tient immobilisé pour plusieurs semaines.

Le 6 juin 1944, les Alliés débarquent en Normandie.

En juillet 1944, EP apprend de la Sûreté belge en quoi sa mission en Belgique consistera. Il s’agit de « recontacter en Belgique pour les revitaliser, les réseaux Mandrill et Othello. Mandrill est une mission de propagande organisée par le Political Welfare Executive, service secret britannique crée par Winston Churchill en février 1942 pour concevoir et conduire l’action de propagande politique et psychologique dans les pays occupés tandis qu’Othello est chargé d’assurer une alimentation correcte à la population belge, notamment aux clandestins, en empêchant la livraison de produits agricoles à l’ennemi. EP est parachuté dans la nuit du 4 au 5 août 1944 à Pamel, près de Ninove, en compagnie du lieutenant Léon CHABART (missions Menas et Samoyède) et de la britannique Olga THIOUX (mission Emilia). EP est chargé de prendre des décisions administratives dans le domaine de l’agriculture et du ravitaillement et de planifier le ravitaillement après la Libération du territoire belge et le départ de l’occupant. Il participe à la mission civile de secours à la Belgique – ou mission « Cimber » selon le sigle anglais – conduite par le général Paul TSCHOFFEN. Il travaille principalement avec la mission Othello. En un mois seulement, il parvient à mener à bien sa délicate mission, contribuant ainsi à soutenir la production alimentaire nationale et à faire en sorte que le ravitaillement en nourriture de la population belge après la Libération souffre le moins possible de circonstances qui resteront encore difficiles pendant un certain temps. La mission Cimber prend fin le 6 septembre 1944, trois jours après la Libération de Bruxelles par les troupes britanniques.

Après la guerre, EP épouse Juliette van de Kerchove dont il aura 6 enfants. En tant qu’Agent parachutiste, il est reconnu comme Agent de Renseignement et d’Action (Lieutenant ARA). Il exerce successivement les fonctions de Substitut du Procureur militaire et d’Inspecteur général des Finances. Il a présidé la Royale Union belge des Services de Renseignement et d’Action (RUSRA – section Brabant) et été membre de la Fraternelle des Agents Parachutistes 1940-1945. Au début des années 1970, il fonde et préside l’asbl « Habitat Humain », une association visant à assurer un logement décent aux plus démunis d’entre nous. Il est titulaire de nombreuses distinctions honorifiques.

Au terme d’une vie bien remplie, il décède à Bruxelles le 16 février 2017, dans sa 103e année. Il était le doyen des agents parachutistes belges opérationnels.

Nous adressons nos plus fraternelles condoléances à sa famille et à ses proches.

Sources :

Livres :

  • Souvenir de Guerre 1942-44. Étienne PLISSART, 2e édition, 1998.
  • Services secrets belges 1940-1945. Fernand STRUBBE, traduit du Néerlandais en Français par Michel TELLER. Production Madoc, Gand, 3e édition, pp 425-6, 428, 461 et 562-3, 2001.

Faire part de décès, La libre Belgique, 17 février 2017.

Sites internet

– Site de la RUSRA : https://sites.google.com/site/rusraasbl/in-memoriam/etienne-pissart

– Site crée par la famille PLISSART www.plissart.be